Hubert Renard
(Les archives d'Hubert Renard)
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Beaux Arts
n°121, mars 1994, Eric de Camail

HUBERT RENARD

EXPOSITION A PARIS : HUBERT RENARD EST A L'INSTITUT PARISIEN D'ART CONTEMPORAIN…
CET ARTISTE FRANÇAIS AU PARCOURS ORIGINAL ET A L'ŒUVRE CONSTANTE (IL UTILISE AUSSI BIEN LA SCENOGRAPHIE, LA SCULPTURE QUE LA PHOTOGRAPHIE) Y PRESENTE CE PRINTEMPS UN ACCROCHAGE SPECIFIQUEMENT ELABORE POUR L'INSTITUT. UNE PREMIERE A PARIS ET UNE RENCONTRE A NE PAS LOUPER !

Depuis bientôt vingt ans, passant d'une pratique conceptuelle à des mises en scène interactives, Hubert Renard a porté à sa limite ultime une ambition radicale de l'art contemporain : dénonçant l'aspect matériel de l'œuvre, son caractère physique (il a toujours exclu d'exposer en tant qu'objet ses croquis et dessins), il envisage l'art en regard de la réalité singulière d'une pratique plastique, vécue, en exploitant ce qu'il appelle "l'intuition de la situation".
L'itinéraire artistique de Renard ressemble à un processus régulier, depuis ses expériences initiales proches des pratiques situationnistes. Il se fait rapidement un nom dans le petit monde de l'art conceptuel européen, et dès 1982, il s'éloigne d'une expression purement intellectuelle, pour partir à la recherche de la forme et de la matière réelle, à travers le design mobilier notamment. Bientôt, c'est le lieu où s'installe l'objet qui in-té-resse plus particulièrement Renard. Les œuvres construites vont devenir, ainsi que les photographies qu'il va se mettre à produire de plus en plus à partir de 1984, des éléments de composition de lieux d'expériences esthétiques. Aujourd'hui il se dirige vers une pratique du détournement et d'intervention sur l'espace, par l'agencement d'objets divers, presque hétéroclites, dans les salles d'exposition, pour étendre la notion d'œuvre à toute l'architecture, voire au-delà, à la ville. Ainsi à la Kunsthalle de Krefeld, où les images accrochées au mur, des macrophotographies de pousses de lentille et des reproductions agrandies de vues de galeries d'art, posaient au visiteur des problèmes d'échelle, que semblaient contredire les sculptures, mobilier de musée aux dimensions ordinaires. Ce dispositif métamorphosait toute la salle d'exposition en l'œuvre elle-même. C'est un phénomène équivalent que Renard a organisé ici à l'IPAC. Il est indéniable que son ambition, à l'inverse de l'architecte ou du designer, qui solutionnent des difficultés et soulagent des inquiétudes, est de mettre en lumière des particularités insolites et de pousser à l'extrême leur potentialité. C'est ainsi qu'il envisage la fonction du créateur dans la société; une carrure qui lui est fondamentale à présent, et à laquelle l'expérience de la pédagogie l'avait d'ailleurs amplement préparé.
Ainsi, tout l'accrochage réside en une appropriation des salles d'exposition par des objets, des photographies, un écran de projection, des peintures murales monochromes, qui créent des espaces teintés où domine le bleu. Tout ici convoque la perception pleine et immédiate du visiteur, saisi entre couleur et géométrie de l'espace vécu, et invité par les objets eux-mêmes (des poufs accueillants, des bouquets de fleurs, une table basse avec des catalogues) à s'installer dans l'œuvre, à en devenir un élément actif. Autour d'un hommage à Charles Addenby, en "forme de nuages" (d'où le titre de l'exposition), en aspirant à la perception pure, par agencement d'objets qui se caractérisent tous en perturbateur du réel, Renard fait de tout l'espace (et l'espace, c'est un peu le ciel aussi…), une réalisation de la zone de sensibilité picturale de Klein. Il propose ainsi une réponse personnelle (nourrie des enseignements des constructivistes russes ou du mouvement de Stijl qu'il invoque couramment) à l'aspiration contemporaine de rendez-vous entre l'art et la vie, laissant l'œuvre au jugement de l'instant.

Éric de Camail

Hubert Renard, On ne construit pas des nuages, IPAC, Institut Parisien d'Art Contemporain, 15, rue des Potagers, 75012 Paris, tél. : 43 42 94 00, du 15 février au 30 avril.

ITINÉRAIRE
Hubert Renard vit et travaille à Paris. Sa première exposition a lieu en 1971, à la Casa Manoel Da Silva de Lisbonne. Il poursuit depuis cette date un travail opiniâtre et patient autour de la notion d'objet, et des possibilités de son exposition. Il expose régulièrement à la galerie Synaps à Paris, chez Hugo Heimberg à Cologne. En 1985, le CLAC de Limoges a organisé une grande rétrospective de son travail. Il a depuis fait d'importantes expositions personnelles, notamment à l'espace Zoom Avant de Quimper, L'exposition du bonheur, en 1988, et à la Kunsthalle de Krefeld, Stille Gesten, en 1990. C'est en 1982 qu'il rencontre Charles Addenby, et il conçoit avec lui des œuvres communes pour l'espace Copinage & Cie de Nantes en 1986, et à la galerie du Passage de Marseille en 1987. L'exposition "on ne construit pas des nuages" de l'IPAC a été élaborée autour d'un hommage à C. Addenby, décédé à Paris en 1991.