Hubert Renard
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Le monde
le 9 mars 1994, Serge Bretaille

HUBERT RENARD à l'IPAC
Le ciel et l'idée du ciel

"Ses photographies provoquent une sensation palpable de gaieté. Le bonheur ressenti par cette émotion contraire à l'idée d'un art intellectualisé est proche de la magie." C'est ce que dit Hubert Renard au sujet de Charles Addenby, de ses photographies de ciel et de l'hommage qu'il lui rend par une installation à l'IPAC. Peut-être est-il sincère. Pourtant cette exposition entretient avec ce bonheur et Addenby des rapports moins évidents. Des titres aux ambiances de l'accrochage, tout semble agencé par un projet de commémoration ; il s'agit en réalité d'un témoignage implicite et réservé.
Cette économie apparaît immédiatement dans la série de photographies de très grand format, Les troncs, gros plans de troncs de bouleaux, avec dessins cabalistiques naturels ou gravés dans l'écorce. Ces images, nées d'un cadrage insolite qui convoque botanique et urbanisme, sont virtuoses, monumentales, ravissantes - mais c'est le cadrage qui fait fondamentalement leur attrait.
Les quelques sculptures présentées désorientent également. Une Étagère en bois étire ses plans sur la totalité de la cimaise, une Bibliothèque en bas-relief ne façonne que les livres, pas les montants, et une Maquette urbaine délirante mais mal dégrossie imite poussivement une abstraction géométrique rigoriste. La technique est grossière et les moyens de réalisation s'affichent. Ce sont des subversions de l'espace, du volume et de l'échelle, mais aussi un geste ample de mise en scène, à travers les monochromes bleus aux murs et les salons de repos ou de lecture installés dans toutes les salles, d'une poésie consciemment outrée.
Chaque pièce inspire la même impression ambiguë : en premier lieu le ravissement immense que procurent les œuvres fortes et abouties, mais ensuite un sentiment ténu, imperceptible, d'austérité. Ces agencements impeccables révèlent, parfois lyriquement, parfois caustiquement, l'histoire de l'art, de ses systèmes, de son passé récent. Les citations contribuent à ce sentiment, que ce soit le mouvement De Stijl pour l'étagère ou Malévitch et ses architectones à travers la maquette.
Finalement plus bricoleur que conceptuel, bien qu'on ait voulu en faire un représentant français, Renard adopte un procédé d'évocations hybrides, de mémoires dénaturées, de références emmêlées. On l'a pourtant connu parfois avec un esprit plus ludique, jouant plus aisément de l'impertinence et de la raillerie.
Malgré lui moderne, contemporain de l'univers de la fiction et de la démesure d'aujourd'hui, il utilise pastiches et assemblages. Il combine, de façon impure et sans complexe, sans véritable logique, sans profond respect, surréalisme et concept , Magritte et Rietveld, Charles Addenby et Jeff Wall. Il installe dans l'espace des ombres du passé et des possibles à construire. Et c'est exactement dans la droite ligne d'un travail très conceptuel, tendance utopique.

SERGE BRETAILLE

Institut Parisien d'Art Contemporain, 15, rue des Potagers, 75012 Paris. Tél 43-42-94-00. Jusqu'au 30 avril.