Exposition chez Unglee, UN/UN,
du 5 au 13 juin 1999
Archives : L'exposition du bonheur, 1988
Archives : L'exposition du bonheur (tripyque), 1989
Editions : L'exposition du bonheur (triptyque), 1989, plaquette
Editions : Boîte documentaire
Présentation sous vitrines des documents autour des Expositions du Bonheur.
Présentation du livre "L'exposition du bonheur (triptyque)", BFI, 1989.
Présentation du "Diaporama 1999" et de la boîte documentaire "Les expositions du bonheur".
ARTICLE
Le monde, samedi 12 juin 1999
Philippe Dagen
LES ENIGMES D'HUBERT RENARD
C'est une inquiétude qui envahit de temps en temps la critique,
une question qui lui est posée souvent : ne sommes-nous pas
en train d'ignorer des artistes d'importance, pour quelque mauvaise
raison ? Dans l'exposition d'Hubert Renard, elle devient presque obsédante.
Parce qu'à dire vrai on ne connaissait pas Hubert Renard jusqu'à
ce que l'association Un/un décide de le défendre et
trouve un appartement pour le présenter.
Dans la première pièce, un diaporama autobiographique,
très tien fait, rappelle deux décennies de travaux et
d'expositions qui avaient échappé à la vigilance.
A Vérone, Lyon, Dijon, Paris, depuis 1971, Renard a présenté
ses constructions géométriques, en harmonie avec les
lieux où il était invité. L'évolution
de son travail est très visible - et exemplaire. La rigueur
minimaliste des débuts s'est peu à peu détendue
et, si Smith et Judd étaient les références originelles
de Renard, il n'est pas demeuré longtemps imperméable
aux influences d'Artschwager aux Etats-Unis, de Lavier et d'IFP en
France. Aux structures anguleuses, parfois polychromes, ont succédé
des photographies en lunettes et en diptyques.
Aujourd'hui, l'uvre de Renard a quitté, sans doute définitivement,
l'abstraction ascétique pour le monde des images. Il présente
une installation, L'Exposition du bonheur. Une banque nantaise, Bretagne
Finance Investissement, lui a confié l'aménagement de
son hall d'entrée, pour lequel il a conçu un triptyque
de visages des deux sexes, radieux. La communication d'entreprise
et la création contemporaine y trouvent chacune leur compte.
Décidément cette exposition est une révélation.
On comprend mal qu'une uvre aussi cohérente soit restée
inaperçue plus de vingt ans. Il y aurait bien une explication,
mais surprenante : ce serait que ce passé ne soit que fable,
que ces diapositives et ces catalogues ne soient que leurres pour
une pantomime d'art contemporain admirablement montée. Mais,
dans ce cas, l'exposition serait plus remarquable encore. Au fait,
l'auteur de ces images équivoques s'appelle-t-il vraiment Renard ?
Philippe Dagen
ARTICLE
un/un, n°3, octobre novembre décembre 1999
Ghislain Mollet-Viéville
LES EXPOSITIONS D'HUBERT RENARD
L'entretien qu'Hubert Renard accordait dans le précédent numéro d'un/un
m'avait laissé perplexe quant au bien-fondé pour une association vouée
à l'art très actuel, de consacrer deux pages à un événement typique
des années 80. De même, la biographie me faisait sourciller avec sa
liste de lieux qui m'étaient totalement inconnus.
C'était donc le pied ferme et soupçonneux que j'attendais l'exposition
de l'artiste annoncée chez Unglee. Sur place, se confirma ce que je
n'avais pas manqué de flairer : il y avait bien quelque manipulation
dans l'air et cela se manifestait dès la première salle où nous était
présenté un diaporama rétrospectif des expositions réalisées par l'artiste
entre 1975 et 1987. Que d'espaces superbes pour cet artiste dont on
n'avait encore jamais entendu parler ! (Ah si, une personne zélée
qui n'avait rien oublié de l'exposition à l'espace Zoom Avant de Quimper
!). Mais comment de tels endroits avaient-ils pu échapper à ma vigilance,
moi qui suis plutôt fureteur de beaux sites artistiques. La réponse
ne se fit pas attendre longtemps et en quelque sorte me rassura puisque
Bernard Blistène, à qui on ne la fait pas, annonça péremptoirement
que s'il ne connaissait pas ces lieux-là c'est tout simplement parce
qu'ils n'existaient pas.
Alors quid des expositions elles-mêmes? Il me fallut partir à la recherche
de l'artiste, que j'imaginais la cinquantaine alerte (sa première
exposition date de près de trente ans) et bien sûr - nouvelle entourloupe
? - c'est un "petit jeune" qui s'avança pour me commenter le plus
sérieusement du monde la deuxième partie de la manifestation : des
photos extrêmement précises de ses Expositions du Bonheur, placées
sur des socles minimalistes, accompagnées de la plaquette éditée à
l'époque. Devant l'aplomb de l'individu (très sympathique au demeurant)
et cette présentation hyper-professionnelle fallait-il continuer à
nier ce qui avait tout pour être crédible. J'optai pour la résistance
et le gratifiai d'une dernière salve bien nourrie : pourquoi exposer
un travail vieux de dix ans ? Pourquoi ne pas montrer toutes les œuvres
elles-mêmes au lieu des photos des installations de Nantes et Quimper
? Enfin pourquoi sa biographie s'arrêtait-elle en 1989 ? Hélas, on
l'appela au téléphone et je me retrouvai seul pour conclure. Et ma
conclusion la voilà : par le biais d'une fiction qui ne fait aucun
doute dans mon esprit (mais c'est comme avec le père Noël, personne
ne vous empèche d'y croire), l'exposition d'Hubert Renard ne présente
pas une rétrospective de ses œuvres mais l'idée de l'exposition elle-même
elle est son propre enjeu, elle n'est qu'un prétexte à réflexions/discussions
sur le statut de l'art dans son contexte. Et l'animation qu'elle suscite
fait elle aussi "exposition", elle illustre ma conviction qu'aujourd'hui
la création ne se définit plus en terme d'objets d'art mais plutôt
à travers l'attitude de son auteur dans sa relation au champ social.
Et qu'à ce stade l'éthique prenne le pas sur l'esthétique voilà qui
me convient idéalement !
Ghislain Mollet-Viéville
Agent d'Art
Cette exposition s'est tenue chez Unglee du 5 au 13juin 1999. Le catalogue
réalisé à cette occasion a bénéficié du soutien de la DRAC île-de-France
(aide individuelle à la création 1999).